Lire, la solution ultime ?


Malheureusement faux dans la majorité des cas. Celui qui ne comprend pas ce qu’il lit – et ils sont nombreux – ne peut faire de progrès ou s’en sortir sans passer par la case alphabétisation.

 

Problème : quand on ne maîtrise pas la lecture, on passe de facto à côté de beaucoup d’informations et par conséquent apprendre/découvrir que de tels cours existent peut relever de la chance. C’est souvent à l’instigation d’un instituteur agacé de voir que les « mots » ne sont pas lus ou pas suivis d’effets malgré la signature qui les avalise. Encore faut-il que cet enseignant se donne la peine de sonder le problème, qu’il sache trouver les bons arguments, connaisse aussi une structure dispensant de tels cours et que ceux-ci aient de la place pour le courageux parent qui va pousser leur porte. Parce qu’il en faut du courage. Pas évident de venir avouer que depuis des années on fait semblant, parce que c’est bien souvent le cas. Cette forme d’illettrisme est la plus difficile à repérer dans la vie de tous les jours, car elle est partielle et que celui qui en est victime a développé des systèmes de survie en milieu hostile.

 

— Survie en milieu hostile, rien que ça ! N’est-ce pas un peu exagéré ?

 

La virulence des agressions qui émaillent la toile reflète assez bien le manque de tolérance et d’empathie de nos concitoyens vis-à-vis des difficultés d’autrui. Notre semi-illettré a subi cette vindicte depuis le CP de la part de ses camarades de classe, du système scolaire très répressif en matière d’orthographe (moins deux points systématiques dans toutes les disciplines sauf peut-être en math. À ce tarif, à moins d’être brillant, on est vite disqualifié) des parents qui se désolent… sans compter les difficultés administratives de la vie courante.

 

Pour avoir fait parti du bureau d’une association offrant des cours d’alphabétisation, je peux vous assurer que ce profil type est beaucoup plus courant qu’on pourrait le croire. Et malheureusement, bien peu arrivent jusqu’à ces structures et non, tous ne sont pas des étrangers.

 

Concernant les autres, les dys-quelque-chose, la lecture peut jouer un rôle, mais pas seule et pas toujours. La lecture permet d’enrichir le vocabulaire, d’ouvrir l’esprit, de structurer la pensée et par là, favorise la maîtrise de l’expression. Encore faut-il diversifier les lectures. Son influence sur l’orthographe n’est pas évidente.

 

Par exemple quand on lit de manière globale, qu’on est dyslexique, à moins d’avoir une mémoire photographique, on peut lire mille fois le même mot sans en retenir l’orthographe. C’est mon cas, je peux lire dans un miroir. Si toutes les lettres d’un mot y sont, mon cerveau le reconnaît. Il peut même pallier l’absence de certaines lettres. Problème pour lui, un P et un Q sont interchangeables de même que le D et le B. Mais c’est aussi valable pour certains groupes de lettres, par exemple «tre » ou « ter ». Il est donc aussi facile de lire un mot pour un autre. L’exercice de la lecture demande forcément plus de concentration, d’efforts en lui-même. Imprimer l’orthographe de la multitude de mots du texte lu en serait un supplémentaire auquel le cerveau se refuse le plus souvent.

 

— Il suffit d’apprendre les règles.

 

Ce serait vrai si les règles s’appuyaient sur la logique et n’étaient pas perverties par une multitude d’exceptions. En effet quand la règle n’a aucun sens en elle-même, qu’elle est juste arbitraire, il est difficile pour celui qui n’en a qu’une mémorisation globale de ne pas l’appliquer à l’envers ou de travers. Cela dit, plus on utilise une règle, mieux on la maîtrise, même si elle reste toujours un peu confuse. Utiliser implique écrire, pas lire. On n’utilise pas les règles quand on lit, sauf en mode relecture ou correction.

 

— Justement, si les gens se relisaient, ils feraient moins de fautes.

 

Sans aucun doute. Pas forcément beaucoup moins, mais une relecture même superficielle permet dans la majorité des cas d’évacuer les plus grosses bourdes. Encore que…

 

Ici, le problème – qui n’est pas spécifique aux dys – est que notre cerveau qui est souvent pervers et plutôt feignant. Lorsqu’on se relit, il connaît déjà le texte et se contente de voir ce qu’il pense avoir écrit – allant jusqu’à suppléer aux mots manquants – alors les fautes, il peut en zapper quelques-unes. Ne dites pas que ça ne vous est jamais arrivé ne serait-ce qu’en période de fatigue, voire de grosse fatigue pour les plus maniaques d’entrevous.

 

Personnellement, ce qui m’a vraiment aidé c’est la pratique de la betalecture. Pour ceux qui ne sont pas familiers du terme, la betalecture consiste à analyser le texte d’un autre pour l’aider à l’améliorer. L’orthographe n’est pas au centre de cet exercice, mais pour les raisons citées au paragraphe précédent, il est bien plus facile de voir les fautes des autres que les siennes. Or souligner une faute ou une erreur en betalecture ne sert à rien – ça ne fera pas progresser l’apprenti auteur – il faut lui expliquer ce qui ne va pas, que ce soit un souci de syntaxe, une erreur de grammaire, une faute d’orthographe ou même de typographie. Expliquer force à réfléchir et à réfléchir doublement lorsqu’on a soi-même du mal à intégrer les règles, ça permet aussi d’utiliser ces fichues règles beaucoup plus souvent que dans la vie courante et donc de mieux les assimiler.

 

Lire est sans contexte indispensable à l’enrichissement personnel, mais pour vraiment améliorer son orthographe, il faut, à minima, écrire, écrire beaucoup, se relire et se faire relire. Tout le monde n’en a pas le temps, tout le monde n’en a pas l’envie. Et ce n’est pas en humiliant ou fustigeant un dysorthographique qu’on va l’inciter à écrire.


Je fais encore des fautes ? Oui, et j'en ferais sans doute toujours, mais à une époque j'en faisais à tous les mots.

 

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